Le site Le Corbusier de Firminy-Vert

Lorsque je vous ai conté mes deux jours en pays stéphanois avec l’Office de Tourisme de Saint-Etienne, j’ai omis délibérément de vous parler d’un endroit à part, qui m’a subjuguée. Je me suis même dit en le visitant que j’avais raté ma vocation : j’aurais du faire carrière dans l’animation de l’architecture et du patrimoine ! Cet endroit, c’est le plus grand ensemble en Europe pensé par Le Corbusier (Charles-Edouard Jeanneret de son vrai nom) : le quartier de Firminy-Vert, situé à quelques kilomètres de Saint-Etienne. Pour trouver un autre ensemble de la même envergure, il faut aller à Chandigarh, en Inde. J’avais donc envie de lui consacrer un article tout entier pour vous le présenter, même si je sais que les œuvres du Corbusier ne laissent pas la place au compromis : en règle générale, on aime ou on déteste ! Sans doute parce qu’à l’époque, elles étaient en avance sur leur temps, et qu’aujourd’hui, l’utopie sur laquelle elles se basaient semblent dépassée. Car ce que voulait Le Corbusier, c’était placer l’homme au centre de ses réalisations pour son bonheur et son bien-être.

Ainsi, Firminy-Vert se veut être une cité idéale moderne, radicalement différente de l’ancienne « Firminy la Noire » et de ses logements ouvriers insalubres. Commandée en 1954 par Eugène Claudius-Petit, maire de Firminy et ancien ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, elle s’appuie sur la Chartes d’Athènes de 1933, qui définit les quatre fonctions de la ville : habiter , travailler, circuler, se recréer. Les bâtiments, quant à eux, reprennent les cinq fondements de l’architecture nouvelle prônés par Le Corbusier : les pilotis, le toit-terrasse, l’ossature indépendante, la façade libre et le plan libre. Une grande place est enfin accordée au soleil, à l’espace et à la verdure.

Le Corbusier imagine pour Firminy un centre de récréation du corps et de l’esprit, avec des équipements à l’échelle de la ville. Il entend faire entrer la culture, le sport et la spiritualité au cœur du quotidien des habitants. La Maison de la Culture, le stade, la piscine (dont la réalisation est confiée à André Wogensky) et l’église Saint-Pierre forment une véritable acropole moderne.

La Maison de la Culture est le premier bâtiment construit par Le Corbusier et le seul qu’il verra achevé de son vivant en 1965. Accueillant spectacles, expositions et activités d’enseignement musical et artistique, c’est aussi son unique réalisation européenne pour ce type de programme. Les ouvertures, les lignes géométriques et les quatre couleurs propres à l’architecte rythment les espaces intérieurs ainsi que la façade inclinée qui répond à la couverture des gradins en face. S’appuyant sur la roche de l’ancienne carrière laissée à nue, la Maison de la Culture surplombe le stade, achevé en 1968.

L’église Saint-Pierre, inaugurée en 2006 est un des derniers bâtiments Le Corbusier construit dans le monde. A son décès, l’architecte laisse un avant-projet sommaire. Le chantier, commencé en 1970, est abandonné à la fin de la décennie, et il faut attendre que Saint-Etienne Métropole devienne maître d’ouvrage en 2002 pour le voir terminé. Pyramide à base carrée évoluant en un cône tronqué, l’église Saint-Pierre est l’élément vertical qui complète l’inscription du site dans le paysage. Comme souvent dans les réalisations du Corbusier, l’architecture du bâtiment est pensée comme une « promenade architecturale » et peut être vue de plusieurs endroits. A l’intérieur, la coque de béton abrite un centre d’interprétation, des espaces d’exposition et de séminaire, une salle de spectacles, mais aussi un lieu de culte (non consacré) dans la nef où se révèlent des jeux de lumière à toutes heures de la journée. Et c’est le matin que le spectacle est le plus impressionnant avec le soleil qui entre par la constellation d’Orion reproduite sur une des parois, formant des lignes délicates sur les autres murs !

Pour loger les habitants, Le Corbusier compose une « cité-jardin verticale », entourée d’un réseau de circulation où piétons et automobilistes ne se croisent pas ! Avec une emprise minimale des immeubles au sol, il laisse la part belle aux espaces verts. Face à une pénurie de logements, trois unités d’habitations devaient être implantées pour parachever l’urbanisation de la ville. Une seule sortira finalement de terre et Le Corbusier aura juste le temps d’en poser la première pierre en 1965. La maîtrise d’oeuvre sera par la suite assurée par André Wogensky (qui imposera ses propres couleurs) et Fernand Gardien. Les pilotis, les façades, l’école et le toit terrasse sont classés au titre des Monuments Historiques en 1993.

L’unité d’habitation est conçue comme un village avec des logements et ce que Le Corbusier appelle des « prolongements du logis » : des magasins, une école et un toit-terrasse qui fait office de place du village. Les espaces individuels et collectifs se côtoient. Pour faire le « bonheur de l’homme ordinaire », l’habitat est standardisé à l’échelle du Modulor (unité de mesure à taille humaine créée par Le Corbusier), le mobilier est réduit à son rôle fonctionnel, le décor est minimaliste. Sept « rues » desservent trois étages chacune :  on entre dans les appartements en duplex par l’étage du bas pour les uns et par l’étage du haut pour les autres (voir maquette ci-dessus). Ces derniers sont traversants sur l’axe est-ouest, de sorte que la lumière du soleil y pénètre toute la journée. Les premiers habitants s’installeront dans l’unité en 1967 et aujourd’hui, 1000 personnes y résident encore.

L’école se déploie sur les trois derniers niveaux de l’unité d’habitation où prennent place huit classes autonomes, rythmées par des jeux de vitraux à l’est comme à l’ouest. Elles sont séparées entre elles par des portes coulissantes qui servent aussi de tableaux ! La cour de récréation se situe sur le toit-terrasse et jouxte le théâtre et les parties communes des habitants. L’école sera malheureusement fermée en 1998, faute d’élèves.

Vous l’aurez sans doute compris, cette visite m’a captivée. J’ai été fascinée par l’oeuvre et la détermination du Corbusier. Parce qu’il a voulu, par le biais de son architecture, apporter une réponse aux problèmes de la cité. Le site Le Corbusier de Firminy-Vert fait d’ailleurs partie du réseau des Utopies Réalisées, comprenant cinq sites qui racontent chacun un chapitre de l’histoire des utopies sociales et urbaines du XXe siècle en Rhône-Alpes. Des sites qui avaient pour ambition la recherche de l’harmonie entre la vie de l’individu et la vie collective… Une idée qui parait sans doute difficile à comprendre aujourd’hui mais qui, à l’époque, était fort louable…

 

Plus d’informations sur le site Le Corbusier ici :

Et aussi sur le site et sur la page facebook de Saint-Etienne Tourisme

5 commentaires sur “Le site Le Corbusier de Firminy-Vert

  1. très belle visite de ce site « Le Corbusier »
    un architecte dont le nom a bercé mon enfance et adolescence!
    il y a aussi « la maison du fada » à Marseille…
    j’aime découvrir…car je me rends compte maintenant de tout ce que Le Corbusier a pu réaliser.
    bisous ensoleillés de Cayenne.

  2. Félicitations! La cathédrade St-Pierre me rappelle un peu « Notre Dame de Longchamp (Hte Saône),
    entre Belfort et Luxeuil-les-Bains, surtout ces reflets lumineux sur les murs intérieurs, projetés par
    le soleil à travers des ouvertures diverses. (excusez mon français, car je suis Suissesse de naissance).
    Shake hands from Basle, Switzerland. HTML

  3. José Oubrerie,
    Bravo, toutes nos félicitations,
    Pour la réalisation de l’église…
    c’est certain, sans aucun doute,
    Corbu serait fière et digne de toi…

  4. J’adore le travail de Le Corbusier, et c’est une très belle visite que tu proposes à travers cet article ;-) On retrouve les mêmes détails qu’il peut y avoir sur la Maison Radieuse de Rezé, près de Nantes, c’est chouette de chercher les ressemblances!

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