Un soir à l’Orangerie

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Il m’arrive assez souvent de rester scotchée devant une oeuvre, sans vraiment savoir pourquoi. Je me souviens avoir été fascinée par D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? de Paul Gauguin, exposée lors de la rétrospective de 2003 au Grand Palais. Je suis même revenue voir la toile plusieurs fois avant de sortir de l’exposition ! Tout ça pour dire que ce phénomène s’est reproduit il y a peu de temps au musée de l’Orangerie. En compagnie d’un petit groupe de blogueurs, j’ai pu passer un moment seul à seul (ou presque) avec les envoûtants Nymphéas de Claude Monet. La soirée était une belle occasion de découvrir ou redécouvrir ces toiles grandioses et aussi l’étonnante Collection Jean Walter et Paul Guillaume. Et ce, autour du tout nouvel espace café/librairie-boutique du musée : un lieu lumineux et accueillant, dans lequel on peut désormais se restaurer après ou au cours de la visite.

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Rattaché à l’établissement public du musée d’Orsay depuis cinq ans, le musée de l’Orangerie présente ses collections dans un bâtiment – rénové entre 2000 et 2006 – mêlant le style Second Empire et les lignes brutes du béton. Edifié en 1852 pour abriter les orangers du jardin des Tuileries, le bâtiment est attribué en 1921 à l’administration des Beaux-Arts qui souhaite en faire une annexe du musée du Luxembourg, tout comme son voisin d’en face, le Jeu de Paume. A la même période, Claude Monet choisit le musée de l’Orangerie pour que son cycle des Nymphéas, qu’il souhaite donner à l’Etat, y soit exposé.

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Il n’existe qu’un seul cycle des Nymphéas et il est au musée de l’Orangerie ! De 1895 à 1926, Claude Monet peint pas moins de trois cent tableaux représentant son jardin d’eau et son bassin aux nymphéas de sa propriété de Giverny, à différentes heures de la journée. Il travaille sur l’ensemble du musée de l’Orangerie de 1914 à sa mort et peint en fonction du lieu destiné à l’accueillir. Il donne d’ailleurs les plans de l’aménagement intérieur des salles à l’architecte qui le seconde. Les Nymphéas ne seront finalement présentés au public qu’en 1927, un an après la mort de Monet. Depuis, les spectateurs se succèdent devant cette frise panoramique qui se déploie dans les deux salles d’exposition, presque sans rupture. On pourrait plonger dans les toiles tant elles sont captivantes. Il se dégage de leur réalisation et de leur composition une profondeur, une délicatesse et une force, issus de la liberté créatrice du peintre. Les Nymphéas, qui jouissent aujourd’hui d’un éclairage naturel sont bel et bien les pièces maîtresses du musée !

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L’autre atout majeur du musée de l’Orangerie est la Collection Jean Walter et Paul Guillaume, née de l’ambition de ce dernier, digne représentant de la figure du « marchand-collectionneur », apparu à la fin du XIXe siècle ! Grand marchand parisien d’art moderne, Paul Guillaume fait preuve de curiosité et d’audace, d’un goût sûr, et d’un bon sens des affaires (en France et à l’étranger, notamment à New York). Initié par Guillaume Apollinaire aux révolutions artistiques de l’époque, il s’attache aux peintres en vogue, mais ne néglige pas pour autant les valeurs sures comme les impressionnistes. Il devient également l’un des principaux marchands et collectionneurs d’art africain, à la mode chez les artistes. Avide de prestige, il souhaite faire connaître sa collection grâce à sa revue, mais aussi en montrant au public qu’un particulier est plus à même de mettre en valeur l’art moderne que les institutions de l’Etat ! C’est dans ce sens qu’il émet le désir de rendre sa collection publique et d’en faire don à la France.

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Après sa mort, c’est à sa femme Domenica que revient la charge de faire parvenir la collection au Louvre. Remariée en 1941 avec Jean Walter, architecte et homme d’affaires, elle se sépare cependant de certaines œuvres qu’elle juge sans doute trop audacieuses (notamment des Picasso nègres et cubistes) et achète en contrepartie de nombreux Cézanne et Renoir. Elle accepte ensuite que les œuvres de Paul Guillaume soient installées à l’Orangerie, faute de place au Louvre et demande à ce que les noms de ces deux maris soient donnés à la collection. Achetée par l’Etat avec la participation des Amis du Louvre, la Collection Jean Walter et Paul Guillaume n’intègre définitivement les murs du musée de l’Orangerie qu’après la mort de Domenica, et y est exposée, à l’exclusion de toute autre, depuis 1984. Celle-ci présente 145 peintures de Pierre-Auguste Renoir, Paul Cézanne, Henri Matisse, André Derain, Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Chaïm Soutine, et bien d’autres, rassemblés pour l’essentiel entre 1912 et 1934. Ces toiles modernes, qui pour le contraste sont enchâssées dans des cadres anciens, témoignent ainsi du monde de l’art du début du XXe siècle et de ses bouleversements.

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Ce fut un réel plaisir d’admirer en petit comité ces collections qui, à mes yeux, complètent parfaitement celles du musée d’Orsay. J’avais d’ailleurs adoré revoir les Nymphéas lorsque j’avais visité l’exposition consacrée à Emile Bernard (dont je vous parlais ici). Le musée de l’Orangerie accueille deux expositions temporaires par an – la prochaine évoquera les femmes photographes et la suivante Guillaume Apollinaire – et dispose d’un programme culturel bien garni. Il proposera d’ailleurs à la rentrée un cycle de concerts de piano, de Debussy à Philip Glass, dans les salles des Nymphéas et sera aussi au rendez-vous de la Nuit Blanche le 3 octobre prochain. Alors : tous à l’Orangerie !

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Plus d’infos sur le site et la page facebook du musée de l’Orangerie

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