L’Art nouveau / Tamara de Lempicka

On peut dire que mes rapports avec la Pinacothèque sont plutôt tendus. Souvent appâtée par leurs expositions, j’en suis ressortie plus d’une fois un peu déçue ( cf l’expo Hiroshige – Van Gogh). Mais, à mon grand étonnement, j’ai été cette fois véritablement ENCHANTÉE par les DEUX expositions s’y tenant jusqu’au 8 septembre 2013 : L’Art nouveau, la Révolution décorative et Tamara de Lempicka, la Reine de l’Art déco. De belle mises en espace, des accrochages pertinents, des présentations hyper intéressantes, et j’en passe ! J’ai passé un – je dois l’avouer – merveilleux moment ! Même si pour prendre des photos (interdites pour changer), il m’a fallu me jouer des gardiens (qui n’ont pas du croiser le chemin de mon amie l’amabilité !) Petite visite guidée des expositions…

L’Art nouveau, la Révolution décorative

L’Art nouveau se développe à la fin du XIXe siècle et voit son apogée entre 1890 et 1905. Il s’inspire des arts décoratifs anglais, belges ou japonais mais s’ancre rapidement en France. Les artistes se sentent libres de créer, loin des carcans du classicisme et ils s’emparent de ce nouveau style dans tous les domaines de la création : verrerie, joaillerie, décoration, mobilier, architecture, arts visuels… L’Art nouveau est partout, moderne, et les expositions universelles le porte en triomphe. Il habille le quotidien de l’époque d’arabesques et de courbes.

La nature est omniprésente dans l’Art nouveau. Les artistes ne font pas que la représenter, ils veulent la comprendre et aller au delà des apparences, ce qui confère à certains objets une aura mystique. En joaillerie, les insectes et les fleurs (notamment l’orchidée) sont figurés dans des matières précieuses et d’autres plus communes. En verrerie, le transparent et le translucide imite à la perfection l’eau ou le ciel.

L’Art nouveau fait la part belle à l’exaltation des sens et de la sensualité. Les lignes et les les formes ont une connotation érotique, dans cette époque qui s’éveille à la sexualité. La femme Art nouveau est subversive, pleine d’assurance. Les courbes de son corps ont une charge sexuelle assumée.

Un certain mysticisme habite bon nombre d’oeuvres de l’Art nouveau. L’époque voit la remise en question des valeurs du passé qui se heurtent aux nouvelles idées. La façon de vivre des gens a changé en une génération. Le mysticisme en général et le symbolisme en particulier sont un moyen de se réfugier dans des mondes où la logique, la rationalité et les valeurs traditionnelles n’existent pas.

L’Art nouveau est diffusé par des moyens modernes : les grands magasins, les campagnes publicitaires… Emerge alors une profusion d’œuvres graphiques : l’affiche en est le plus important support.

De grands noms de l’histoire de l’art ont traversé le mouvement Art nouveau et l’ont marqué de leurs empreintes : Emile Gallé, les frères Daum, Alfons Mucha, Eugène Grasset, René Lalique, Hector Guimard et d’autres encore. Ils lui ont donné son caractère décoratif et voluptueux. Mais dès 1920, le mouvement s’essouffle et se géométrise. C’est ainsi que, de l’Art nouveau, naît l’Art déco.

Tamara de Lempicka, la Reine de l’Art déco

La carrière et la vie de Tamara de Lempicka sont intimement liés au mouvement Art déco. Ses œuvres au style particulier, presque inclassable, ses représentations féminines à la sexualité exacerbée, ses illustrations de la mode, du luxe, de la modernité et de la mondanité des Années folles, font d’elle une figure majeure du mouvement, particulièrement entre 1925 et 1935.

Née en Russie, Tamara de Lempicka se réfugie à Paris après la Révolution d’Octobre. Son style résulte alors de ses recherches éclectiques. Un calme glacé, un traitement sculptural des figures, émergent de ses premières toiles. Elle y expérimente ce curieux mélange d’extrême modernisme et de pureté classique.

Tamara de Lempicka acquière une certaine réputation dans les années 20. Elle est moderne, internationale et décorative. Elle transpose dans ses œuvres, avec une exigence du style, l’atmosphère de l’après Première Guerre Mondiale.

La figure de la « garçonne » marque l’Art déco et l’oeuvre de Tamara de Lempicka. Mariée deux fois, elle assume pourtant pleinement sa bisexualité et son goût pour les femmes. Elle fait ainsi les portraits de ses amantes comme de ses maris. Ses nus féminins sont à la fois sensuels et cubistes, ronds et anguleux. Peintes en relief, ces femmes lascives semblent sortir du cadre qui leur est imposé. Et les couleurs vives qui enveloppent les corps nus agrippent le regard.

L’univers féminin de l’enfance représenté par Tamara de Lempicka est ambigu. Les jeunes filles sont à la fois innocentes et langoureuses, inquiètes et séductrices.

Avant d’entamer sa carrière de peintre, Tamara de Lempicka fut dessinatrice de mode. C’est pourquoi, à de nombreuses reprises, la mode fait irruption dans ses peintures. Ses figures féminines portent de somptueux vêtements, en arborant bien souvent cet énigmatique regard levé vers le ciel.

Après 1935, Tamara de Lempicka fait une dépression et part s’installer à Hollywood où elle rêve d’être connue. Ses dernières œuvres perdent alors tout le style Art déco qui faisait la particularité de l’artiste. Elles n’ont plus de présence, plus d’énergie, plus de personnalité. Tamara de Lempicka aura cependant marqué son époque et le mouvement Art déco.

L’association de ces deux expositions a été vraiment bien pensée et parfaitement réalisée. J’ai passé presque deux heures trente dans les deux espaces (un petit cocon pour moi !) à apprendre, découvrir et admirer ces œuvres (pour certaines inédites à mes petits yeux) ! Mon conseil : ne ratez pas une des deux expos, elles ne vont pas l’une sans l’autre ! Vous vivrez une belle expérience d’histoire de l’art !

Plus d’infos sur l’expo L’Art nouveau

Plus d’infos sur l’expo Tamara de Lempicka

14 commentaires sur “L’Art nouveau / Tamara de Lempicka

  1. Sheily, Lulu, il ne faut pas laisser passer l’occasion d’aller voir ces expos !
    Claire, je ruse tout le temps pour prendre des photos (et je me fais reprendre systématiquement au moins une fois !) Mais les photos ne rendent pas la beauté et la profondeur des œuvres !
    Donc go go go ! (Et merci au passage !)

  2. J’hésitais à y aller (moi aussi je fais partie des déçus de la Pinacothèque…) mais ton article me donne envie d’y faire un tour : art déco et art nouveau sont mes deux passions dans la vie ;)

  3. L’Art Nouveau, celui du mélange du japonisme et des elfes :) En tous cas c’est ce que je ressens en regardant ces oeuvres ! J’en suis une grande fan, de Mucha notamment… Vive Prague ! Bref, c’est un des mouvement qui me touche le plus car il me ressemble terriblement.
    Dommage que je ne vive pas à Paris pour voir cette exposition.

  4. C’est vrai que la Pinacothèque, par son habitude des expositions croisées, peut donner l’impression de vouloir réinventer l’eau chaude en faisant des rapprochements soient trop évidents pour être intéressants, soient trop farfelus pour être constructifs…

    Mais dans l’ensemble, j’en suis toujours sortie ravie. Je dois être bon public !

  5. Je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir quelques griefs contre la Pinacothèque ! Contente aussi de voir que je vous ai donné envie d’y retourner ! ^^

  6. Certaines œuvres, notamment celles de Grasset et Mucha, me font diablement penser au stylisme de certains mangas. Peut-être est-ce du à l’inspiration entre autre japonaise de l’Art Nouveau qui fait ça, et qui boucle la boucle, en quelque sorte… mais pour moi, certaines courbes et surtout ce contour épais et noir, chez Grasset, me rappelle vraiment certaines œuvres nippones (ni mauvaises d’ailleurs).

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