Chagall entre guerre et paix

J’en ai mis du temps à me décider à aller au musée du Luxembourg voir cette exposition ! Je vous en parle donc, alors qu’elle fermera ses portes dans quelques jours, le 21 juillet plus précisément. Une belle expo, qui me laisse tout de même un peu sur ma faim. J’aurais voulu en voir et en découvrir plus sur Marc Chagall et son univers onirique. Pourtant, le parcours chronologique et la muséographie sont à la hauteur. Et pour une fois je peux illustrer ma petite visite guidée par des photographies autorisées – seules quelques œuvres n’avaient pas le droit d’être photographiées. Enfin une politique intelligente (merci la Réunion des musées nationaux !)

La première partie de l’exposition nous emmène dans la Russie natale de Chagall, où il retourne après trois années passées à Paris. Il y épouse Bella, qui lui donne une fille peu de temps après. Ses œuvres se nourrissent de la modernité qu’il a rencontrée à Paris et de ses racines juives et russes. Il souhaite revitaliser la culture judéo-russe et faire un art juif moderne. Il peint et grave son quotidien, sa ville mais aussi les ravages de la guerre qui éclate en 1914.

La deuxième partie aborde le retour de Chagall en France avec sa famille, pendant l’entre-deux-guerres. Il y devient illustrateur, grâce notamment à sa maîtrise de la gravure. Pour réaliser les illustrations de la Bible, il ressent le besoin de voir et de comprendre la terre mythique de ses ancêtres et se rend en Palestine en 1931. Alors qu’il connaît parfaitement les textes bibliques, il prend quelques libertés avec leurs représentations traditionnelles. Le récit de ses images est condensé dans ses figures de patriarches et de prophètes.

Il peint également des toiles plus imaginaires, sorties tout droit de ses rêves, exprimant sa subjectivité d’artiste. « Chagall est un rêveur conscient ». Ses œuvres n’ont rien de tangibles, grâce à un effet d’apesanteur et à un jeu sur les échelles entre les personnages et les décors. Ses personnages (êtres hybrides, animaux, mariées) revêtent ainsi de multiples significations symboliques. Cet univers magique offre à l’artiste une échappée loin du monde réel.

La troisième partie de l’exposition évoque une période plus sombre pour l’artiste. La deuxième guerre mondiale pousse Chagall à s’exiler aux Etats-Unis, où il retrouve d’autres artistes juifs en exil. Bien qu’éloigné des lieux du conflit, il est hanté par la barbarie qui dévaste l’Europe et sa Russie natale. Sa peinture s’assombrit. La figure chrétienne de la crucifixion, symbolisant la souffrance humaine et à laquelle il ajoute des éléments judaïques, devient un thème récurent dans sa peinture.

Les paysages de cette période sont nocturnes et représentent ses racines. « L’artiste témoigne de son temps en y inscrivant son histoire personnelle ». Un autre drame marque cette époque. La mort subite de Bella plonge l’artiste dans une période de deuil, pendant laquelle il ne cesse de représenter son épouse disparue.

La quatrième et dernière partie de l’exposition nous conduit dans la France de l’après-guerre, où Chagall rentre définitivement et se reconstruit. La lumière de la Méditerranée se retrouve dans ses toiles. Ses thèmes sont solaires, maritimes ou mythologiques. Il travaille aussi sur des séries, comme celle sur les monuments de Paris. Sa peinture se nourrit de son expérimentation de diverses techniques : sculpture, mosaïque, vitrail… Ses œuvres monumentales sont un hymne à la liberté et à la vie.

L’exposition nous offre donc un beau parcours dans la vie et l’œuvre de Chagall. J’ai été subjuguée par ses toiles d’exil, par ces nocturnes, ces bleus profonds très présents. Il est cependant à regretter que les panneaux explicatifs, bien que pédagogiques, n’aient pas plus évoqué l’iconographie des œuvres présentées. (Peut-être fallait-il pour cela se munir d’un audio-guide ?) Pourquoi toutes ces nuances de bleu, ces verts et ces rouges si présents ? Pourquoi ce coq, presque une signature pour l’artiste ? J’ai trouvé quelques éléments de réponse dans le dossier pédagogique (très bien fait) du musée, téléchargeable à la fin de l’article.

Les couleurs employées, qui contrastent les unes avec les autres et qui construisent les toiles, expriment les émotions de l’artiste et sa vision du monde. Les bleus sont tantôt oniriques et apaisés, tantôt nocturnes et menaçants. Le vert-jaune avec lequel Chagall rend compte de la guerre, vient du Yiddish où cette couleur est utilisée pour décrire l’état d’une personne gravement malade. Le vert peut aussi symboliser l’intervention du divin. C’est ainsi que Chagall l’emploie pour représenter la joie et la chaleur de son foyer.

Le coq, quant à lui, qui était sacrifié à le veille de Yom Kippour, fait partie de l’enfance de Chagall passée dans une cour de ferme. L’artiste l’investit alors d’une multitude de sens. Annonciateur du levé du jour, il est le symbole du renouveau. Par sa fonction reproductrice, il incarne la créativité artistique. Il peut aussi évoquer la mélancolie. Chagall représente nombre d’animaux pour tenter de traduire son désir d’harmonie entre les créations de Dieu : l’homme et la nature.

Ce guide pédagogique complète ainsi parfaitement la visite de l’exposition et pallie ce petit goût d’inachevé. Car l’univers si complet et complexe de Chagall, tant dans son emploi des couleurs que dans le choix de ses sujets, mérite qu’on s’y attarde et qu’on reste planté des heures devant les toiles, à scruter le moindre détail !

Dossier pédagogique de l’exposition

5 commentaires sur “Chagall entre guerre et paix

  1. Cette expo a l’air superbe! Dommage qu’elle ne dure pas, je n’aurais sûrement pas le temps d’y aller :-(
    Mais merci pour ce bel aperçu en tous cas!
    Très bon weekend à toi Louise!
    Bisous,
    Gloria

  2. Unfortunately I couldn´t see the exposition in person, I didn´t have enough days … but I saw it through your eyes and because I Know Chagall’s work, I think you wrote an excellent article.
    I love your blog, I think I told you, right?
    Two kisses from Uruguay …
    P.

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