Toulouse-Lautrec. Résolument moderne

Depuis que l’exposition « Toulouse-Lautrec. Résolument moderne » a été programmée aux Galeries nationales du Grand Palais, je savais que je ne pouvais pas rater ce rendez-vous avec Henri. Il a été l’un des peintres qui m’a le plus marquée pendant mes études d’histoire de l’art : j’ai toujours été fascinée par son trait et par l’inachevé de certaines de ses toiles. Mais autant être honnête de suite : je n’ai pas vraiment apprécié la scénographie grandiose du Grand Palais, avec ses larges espaces et ses hauts murs (et je ne parle même pas des couleurs choisies pour ces derniers !) (Je ne parlerai pas non plus des cartels qui se veulent savants mais qui au final sont incompréhensibles !) J’aurais donc clairement préféré un décor plus intimiste, qui se serait prêté beaucoup mieux aux 225 œuvres présentées ici jusqu’au 27 janvier 2020. Celles-ci valent cependant à elles seules le déplacement, d’autant plus que certaines ont fait un long voyage pour venir jusqu’à nous !

Les douze sections thématiques du parcours de l’exposition nous entraînent dans le Paris des années 1890 et dans les nuits parisiennes croquées sur le vif par Toulouse-Lautrec. En croisant la peinture, la littérature et d’autres nouveaux médiums, il traduit les plaisirs mais aussi la réalité de la société de la fin du XIXe siècle. Après avoir suivi une formation naturaliste, il développe un style incisif et caustique marqué par le Japon, les impressionnistes, la photographie, le cinéma, l’éclairage électrique moderne et par cette époque où tout va désormais plus vite.

Toulouse-Lautrec s’appuie fréquemment sur des photographies pour peindre ou se peindre (souvent en se travestissant). Et avec l’avènement du cinéma, il développe une nouvelle relation à la représentation du mouvement, du temps et de l’espace. Au cours de sa formation, il rejoint les ateliers des peintres réalises, Léon Bonnat et Fernand Cormon, mais à 17 ans, il déclare qu’il faut « faire vrai et non pas idéal » en peinture. Il rêve déjà d’une autre modernité et est vite entraîné par Vincent Van Gogh et Emile Bernard.

Les modèles féminins – de la femme du peuple à la prostituée des rues – apparaissent dans ses premiers dessins de presse et l’on aperçoit déjà son obsession de la rousseur. Ses peintures s’imprègnent aussi de plus en plus de certaines recherches impressionnistes, ce qui lui permet d’exposer aux côtés de Van Gogh, Bernard et Anquetin puis avec l’avant-garde bruxelloise.

Toulouse-Lautrec affirme son goût pour la culture anglaise avec la série des boulevardiers peints entre 1887 et 1893.  A la même époque, il se met au service d’Aristide Bruant et comprend le potentiel artistique et poétique des lieux de plaisir de Montmartre. Il y analyse les comportements humains dans ce qu’ils ont d’animal et d’excentrique et créé une dramaturgie nouvelle : celle des bals publics, des café-concerts, des cabarets et des lumières artificielles.

L’artiste Louise Weber, dite La Goulue, inspire le peintre par sa vitalité et sa gouaille. Dans l’affiche du Moulin Rouge sur laquelle elle figure, la danse provocante et le globe d’électricité font la propagande. Par la suite, Toulouse-Lautrec se rapproche de La Revue Blanche, qui s’ouvre à toutes les tendances d’avant-garde en art et en littérature et touche à l’actualité sociale et politique. Il y côtoie les nabis, notamment Bonnard et Vuillard. Parallèlement, il collabore intensément avec le Théâtre de l’Oeuvre.

La personnalité singulière d’Yvette Guilbert attire également Toulouse-Lautrec. Sa rousseur et son audace scénique font de cette diseuse et chanteuse une vedette de l’époque. En effet, son élégance, mise en valeur par de longs gants noirs, contraste avec le répertoire grivois qu’elle interprète. L’artiste est toujours autant passionné par les femmes et fréquente assidûment les maisons closes : il  s’emploie alors à montrer la vérité crue du quotidien des prostituées.

Toulouse-Lautrec expérimente enfin la maîtrise du mouvement et de la vitesse pour représenter les danses fiévreuses de la vie nocturne. La naissance du cinéma l’incite à représenter ce temps accéléré. A la fin de sa carrière, à force d’excès en tous genres, il voit sa santé décliner : ses œuvres en pâtissent quelque peu. Il meurt à 37 ans.

L’exposition du Grand Palais se termine un peu comme mon article : de manière abrupte ! Les dernières toiles présentées ne m’ont d’ailleurs guère frappée. Je suis quand même heureuse d’avoir admiré des œuvres que je n’avais vu qu’en reproductions et d’en avoir revu d’autres, exposées d’ordinaire au Musée d’Orsay. Et je reste captivée par le trait de Toulouse-Lautrec, mais aussi par l’emploi de ce vert hypnotique, omniprésent dans son univers. Avec son style et ses passions qui lui sont propres, il a ainsi représenté à merveille son époque.

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