La Réunification des deux Corées. Drôle de titre au premier abord. Limite peu attrayant. Oui mais voilà, cette pièce de théâtre a été créée de bout en bout par Joël Pommerat, que j’ai découvert grâce à sa très belle réinterprétation du conte de Cendrillon, dont je vous avais parlé ici. J’ai donc foncé tête baissée vers la salle des Ateliers Berthier du Théâtre de l’Odéon, où est jouée la pièce. Sans billet !
Car figurez-vous que toutes les places se sont vendues très (trop) rapidement. Pour obtenir mon précieux sésame, pas d’autre choix que de m’inscrire sur la liste d’attente deux heures avant le début de la pièce et prier pour qu’il y ait des grippeux parmi ceux qui avaient réservé ! Alléluia, j’ai été exaucée ce samedi après-midi, une semaine avant la fin des représentations à Paris. Je peux enfin vous en parler (sans trop en dévoiler, ce serait vraiment dommage de gâcher certaines surprises !) et vous inciter à faire vite comme moi (poireauter pendant deux heures donc !) avant la dernière, dimanche 3 mars à 15h.
De quoi parle donc cette pièce au titre plus qu’obscur ? Et bien finalement, il ne s’agit pas là de géopolitique mais d’un thème plutôt simple et universel. La Réunification des deux Corées est une exploration de l’amour dans tous ses états et, des situations bien souvent complexes qu’il peut engendrer. Le titre prend tout son sens dans une des histoires qui nous sont racontées.
Une vingtaine de moments se succèdent, une «mosaïque» de «nouvelles» selon les mots de l’auteur et metteur en scène : des histoires de divorce annoncé, de séparation violente, d’amour d’enfance retrouvé, de mariage avorté, de dérive de couple, de pédophilie non avérée, de retour du mari aimé, de passion fulgurante, de tromperie partagée, de harcèlement toléré, de prostitution pas très catholique, de rupture d’amitié, de folie bienheureuse… Ces histoires d’amour sont autant des moments dramatiques, poignants, angoissants, que des moments drôles, burlesques, parfois ubuesques. Les scènes n’ont pas de lien entre elles et pourtant elles se font écho. A la fin de chacune, on attend la prochaine avec impatience. Les intermèdes jouent le suspense. Des intermèdes de mise en scène tantôt tristes, comme lorsque la pluie surgit sur le plateau, tantôt complètement loufoques, à l’image de ce chanteur ringard, aux paroles incompréhensibles, qui fait irruption à plusieurs reprises.
La mise en espace de la pièce est atypique. Le public est placé de chaque côté de la scène et se fait face. L’espace scénique est donc un large couloir qui s’anime au gré des éclairages créant les décors, et des musiques (toujours bien choisies) et bruitages qui créent cette ambiance particulière, irréelle.
Les comédiens de la Compagnie Louis Brouillard, qui incarnent tous plusieurs rôles, font défiler les personnages avec justesse. Ils animent le texte de la pièce, riche de sens et bourré d’humour (texte qui sera publié chez Actes Sud-Papiers en septembre 2013).
Pendant presque deux heures, on passe du sourire au froncement de sourcils, de l’inquiétude à l’amusement. Et on est emporté dans toutes les histoires, on est happé par ces tranches de vies amoureuses. Impossible de décrocher. On a pénétré dans une autre dimension.
J’ai vraiment passé un excellent moment ce samedi après-midi. La scène finale est jubilatoire, à l’image de l’ensemble de la pièce. J’ai vu du beau théâtre contemporain : de qualité et accessible (pas pompeux quoi !). Ce théâtre est un théâtre d’émotions et de sensations à vivre, à partager avec les personnages. Je ne peux que vous recommander de vous précipiter pour voir cette pièce, qui part bientôt en tournée mondiale, et qui, j’espère, reviendra par ici !