A la recherche d’Albert Kahn

Lors de notre visite impromptue au musée-jardin Albert Kahnles jardins nous ont laissé entrevoir un pan de la personnalité du banquier philanthrope. L’exposition A la recherche d’Albert Kahn, qui se tient jusqu’au 21 décembre 2014 au musée, nous a, quant à elle, fait rencontrer l’homme et son œuvre. S’il a légué 72000 images, Albert Kahn n’en reste pas moins un personnage difficile à appréhender. Ses contemporains l’ont dit complexe, tantôt réservé et charmant, tantôt étrange et grossier. Marginal, il a marqué son temps par sa pensée et son action. A travers deux grands volets, déclinés en 22 thèmes, l’exposition nous invite à comprendre ce passionné, son mode de vie, sa position dans la société et la manière dont il s’est investi lui-même de grandes missions. Les multiples médiums – tirages photographiques, films, reproductions d’autochromes et autres témoignages écrits – qui sont présentés dans des espaces parfaitement mis en scène, nous donnent des pistes pour percer à jour le tempérament d’Albert Kahn. Tempérament qui s’est forgé au fil de son parcours professionnel, de ses rencontres, des opportunités et des courants de pensée dont il s’est emparé.

La première partie de l’exposition nous invite à suivre l’homme Albert Kahn. En guise d’introduction, nous l’apercevons dans les rares films où il apparaît, tandis qu’une frise chronologique nous donne des repères avec les dates clés de sa vie. Son enfance juive dans la campagne alsacienne est évoquée par des photographies de son village de Marmoutier et de sa famille. C’est avec son père, marchand de bestiaux, qu’il fait l’expérience de ses premières transactions financières. Lorsqu’il arrive à Paris à la fin du XIXe siècle, il profite notamment des réseaux des frères banquiers Goudchaux pour se faire une place dans le monde de la finance. Il fait fortune en spéculant sur le marché des matières premières et fonde sa propre banque en 1898. Parallèlement à sa carrière, il s’élève intellectuellement grâce à des rencontres, comme celle avec Henri Bergson qui le marquera beaucoup, et fait des choix de vie qui détonne avec son métier.

Grand idéaliste, il a toujours un projet en tête et durant toute sa vie il emploiera son argent à créer diverses fondations d’intérêt général. Il est aussi exalté par les sciences : de l’homme, de la vie, de l’univers – de l’infiniment petit à l’infiniment grand – et est très sensible au paranormal. S’il n’est pas fin connaisseur dans le domaine de l’art, il possède tout de même quelques belles pièces acquises lors de rencontres avec des amateurs d’art ou des artistes. Passionné par la musique, il aime faire jouer un orchestre dans son jardin d’hiver. L’art des jardins tient d’ailleurs une grande place dans sa vie, en témoigne son « jardin de scènes » dans sa propriété de Boulogne ou encore ses jardins exotiques dans sa villa à Cap Martin qui domine la mer.

Un intermède technique nous explique pourquoi ce sont des reproductions qui ont pris place dans l’exposition. Les films originaux, très inflammables, et les plaques autochromes, très fragiles, ne pouvaient pas être exposées. De plus les autochromes avaient vocation à être éclairés, projetés et donc agrandis. Le musée possède du reste une belle collection de ce premier procédé de photographies en couleur.

La seconde partie de l’exposition nous montre l’oeuvre d’Albert Kahn. Philanthrope, il s’investit peu dans les associations caritatives de la IIIe République, préférant porter lui-même ses projets et leur donner une dimension universelle. Ses entreprises en faveur d’une paix perpétuelle seront mises à rude épreuve avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Mais par son large éventail d’actions – créations de bourses et de fondations, études sociales, politiques et économiques – il souhaite éclairer l’élite dirigeante sur l’état du monde. Il se pose aussi des questions sur l’hygiène publique et sur la médecine préventive et lèvera des fonds pour les populations civiles pendant la Grande Guerre. Il s’investit même dans la biologie en installant un laboratoire de microcinématographie dans sa propriété de Boulogne.

Avec les Archives de la Planète, il souhaite enregistrer les traces de l’activité humaine sur le globe pour témoigner des bouleversements du monde et favoriser la compréhension entre les peuples. Ces photographies en couleurs et ces films en noir et blanc participent à sa volonté, présente dans toutes ses initiatives, de recoordonner la planète.

Cette exposition fait donc le point sur ce que l’on sait aujourd’hui d’Albert Kahn et de son oeuvre. Elle fait une sorte d’inventaire de ce que sera le musée permanent après les travaux de rénovation prévus entre janvier 2015 et l’été 2017. En la parcourant, on ne peut qu’être marqué par la générosité et la singularité d’Albert Kahn. Car, en œuvrant pour la paix comme il l’a fait, il a en réalité témoigné de son intérêt pour la vie.

 

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